Il y a un temps pour accueillir et un temps pour quitter. Le legs freudien et lacanien ne nous invite-t-il pas à être attentif et disponible à la parturition, à la pulsation du manque et à la nécessité de la se-paration ! Et ce, afin et pour qu’il y ait la possibilité d’une émergence, d’un surgissement de différence, d’imprévisibilité et probablement, sans nul doute, d’une texture-tessiture d’Altérité !

T.A.M.B.O.U.R. cesse ses activités de tables rondes et d’ateliers de lecture. Cher public participant, nous remercions individuellement chacun et chacune d’entre vous pour votre indéfectible présence. Chères conférencières, chers conférenciers, grand merci d’avoir accepté nos invitations à témoigner, à débattre, à questionner, à interpréter les symptômes sociétaux, qui surgissent de l’injustice, de l’inégalité et de la perversion qui grèvent toujours le Québec.

La résonnance de notre T.A.M.B.O.U.R. aura fait écho au malaise que traverse la civilisation occidentale et orientale. Un malaise jadis reconnu, analysé, décrypté par Freud, Marx, Lacan, Lévi-Strauss (et bien d’autres pourtant) et qui est d’autant plus inquiétant aujourd’hui lorsque la blanche nature, désormais à jamais violée et souillée, vient tranquillement ou bruyamment exposer les oripeaux de son désastre à la face des excès mortifères de la culture d’un capitalisme régnant et régulant un monde toujours en mal de son désir de transcendance, qu’il ne sait pas reconnaître (ignoré parce que non enseigné) même dans son rapport le plus prosaïque aux êtres et aux choses. 

T.A.M.B.O.U.R. aura tenté de faire entendre une sonorité, une vibration teintée de conviction, de risque et de parole proférée, par des sujets propulsés et mûs par la singularité de leur désir. Un travail de mise au monde, d’Incarnation vivante et d’actes posés, a eu lieu.

Nous sommes passés maintes fois, grâce à vous, par-delà le déni et le refoulement, par-delà la langue de bois et le secret, par-delà l’idéologie et le narcissisme à tout crin, pour aborder, intacte, la vérité, laissée en souffrance, de la Subjectivité, du Déclassement, de la Folie et de l’Art. Pendant nos dix années d’activité, nous nous sommes réunis une fois l’an pour tenter de battre en brèche ensemble le mortifère. La fin de nos activités n’est pas la fin de ce combat, que nous savons enchassé dans la vie même.

Grâce à notre T.A.M.B.O.U.R. nous clamions un Oui vibrant et persistant à la poésie et un Refus global à la bêtise tyrannisante et positiviste de la recherche du bonheur à tout prix, pourvu, dit-on encore aujourd’hui, qu’il puisse se calculer en temps et en argent… et ce, sans compter qu’il nous fait entrer dans le jeu d’un économicisme barbare… ce simulacre de la vie symbolique, réelle et rêvée.

Comme nous sommes fiers du chemin parcouru à vos côtés, vous les écoutants, vous les parlants. Ensemble, nous avons incarné cet espace d’interlocution critique que chacun et chacune de nous porte en soi sans que rien ne puisse l’annihiler, ni même l’amoindrir. D’année en année, T.A.M.B.O.U.R. a laissé résonner l’Inconscient et a battu le rythme des pulsations du Sujet au cœur des sciences, dans les interstices des arts, au creux du corps ou dans les entrelacs des règlements et des lois. Et peu importe la surdité du nombre, si le chiffre de la musicalité de ces signifiants vous a parlé au fil des concerts de conférences et d’ateliers de lecture ! Que l’ineffable de cette musique vous accompagne…

Ce périple accompli malgré quelques vicissitudes, nous convoque à en dégager le sillage… et  aussi peut-être, les effets d’après coup. Un moment incontournable de deuil, habitera en nous… Pour la suite des choses et l’héritage transmis, une proposition de travail d’écriture a été lancée… Il m’apparaît que le transfert de travail pourrait interroger celle ou celui, qui voudra s’y allier.

Rien n’est jamais acquis ici bas… Les battements de notre T.A.M.B.O.U.R. n’auront jamais fini de se faire entendre. Oui. Nous sommes paradoxalement condamnés à la continuité, à l’immortalité transcendantale, à l’écriture, à la parole vraie, à la pensée humanisante, à l’écoute de la structuration insconsciente, si nous voulons sortir de la colonie pénitentiaire et vivre pleinement le temps qu’il nous reste envers et contre tout… C’est là, dans l’expression de nos forces vives, que nous conduisaient et nous conduisent encore les échos de notre T.A.M.B.O.U.R. afin de nous rassembler dans la réalisation d’une place à la fois singulière, conviviale, et transsubjective.

À ce moment crucial, nous constatons qu’un engagement a été mené à son terme, et que de ce fait, T.A.M.B.O.U.R. ne résonnera plus désormais, qu’au sein de l’après coup des rythmes qu’il aura suscités… et qui, nous espérons, inspireront d’autres sujets à oser se risquer au déploiement d’une parole vive mais, par d’autres médiums.  Et ce, tout en maintenant la possibilité de colliger les conférences présentées  par T.A.M.B.O.U.R. au fil des ans. La se-paration ne pourra s’effectuer que dans le choc de la perte et du  laisser-être autrement…

T.A.M.B.O.U.R. cesse donc ses activités passées, mais telle une portée musicale, la structure reste là, avec, à la clé, la découverte freudienne de l’inconscient et sa sursomption par Jacques Lacan. T.A.M.B.O.U.R. aura été en jachère… en instance d’une relève… 

MONIQUE LÉVESQUE / LOUISE TASSÉ / JEAN-ÉMILE VERDIER

Espace d'interlocution critique